LES SORCIÈRES DANSENT À LA CROISÉE DES TEMPS


W.I.T.C.H.E.S CONSTELLATION DE LATIFA LAÂBISSI

"La danse est très transformée vu que le temps est étranglé, on passe de 1’30 à 32′, ce qui est extrême comme extension. C’est Hexentanz sans l’être. C’est exactement la même partition mais dans une temporalité qui fait voir la danse à la loupe et redessine en même temps un autre récit. C’est ce choc temporel qui m’intéressait. Cette figure a été un ovni total pour l’époque. Que ce soit dans les arts visuels ou le cinéma, de jeunes personnes connaissent Mary Wigman et veulent en savoir plus sur cette danse. Qui est Mary Wigman ? Qu’est-ce que cette danse ? Il y a une puissance à l’œuvre toujours aussi présente." 
Latifa Laâbissi, interview Unidivers, Emmanuelle Volage, 29/03/2018

ECRAN SOMNAMBULE

Nadia Lauro, Ecran Somnabule, Latifa Laâbissi, 2018

Entre archives et relecture, travaux d'historien et de chorégraphe s'entrelacent. Assise sur scène, ses pieds se touchent, ses deux genoux sont ouverts et ses yeux sont fermés. Une douche de lumière au centre de la scène l’entoure et la mystifie. Lentement, elle évolue de posture en posture. Des bruits percussifs contrastent avec ce temps suspendu qu’elle impose à La Danse de la sorcière de Mary Wigman. Ils correspondent avec des gestes secs, crispés et tendus. Des ruptures d’états de corps s’instaurent. Les gestes de la sorcière de Wigman s’étirent dans le temps et les impacts contractent le corps devenant exutoires d’une douleur interne. Un son, un geste, les doigts se recroquevillent, les coudes se replient et les genoux se serrent. Sculpture, elle se modèle et se métamorphose en une sorcière du temps d’après-guerre. Mouvements proches du corps, concentriques au tonus fort reflètent une intériorité en proie aux contradictions. Une transe de la lenteur et de l’expression fascine et met mal à l’aise le public qui observe cette figure d’un entre deux temps.


Mary Wigman, Hexenstaz, 1926

WITCH NOISES


Un musicien, une danseuse, un duo maquillé à la japonaise. Le musicien d’abord seul tape sur les tambours, fait sonner les cymbales et pianote sur le xylophone. Les percussions à la tonalité et aux sonorités fortes et diverses remplissent l’espace. Les gestes du joueur de musique varient de dynamiques, de temporalités, changent de directions et d’orientations devenant eux aussi une chorégraphie expressive. Les percussions sont le rythme d'une sorcellerie et résonnent comme la trace d'une sorcière du passé. A la deuxième répétition de la phrase musicale, le temps s’accélère et la danseuse l’accompagne avec une autre reconstruction du solo Hexenstaz ( Danse de la sorcière ) de Mary Wigman. Photographies, archives, transmissions, animalité et corps cannibale forment une nouvelle sorcière. Les cheveux qui encerclent son buste volent et se balancent autour de son corps qui oscille entre tensions et relâchement. Sur des pliés les muscles du corps se tendent et se contractent. Le regard perçant, la chorégraphe en sorcière cannibale danse sur la musique percussive et pleine d’accents. Les gestes crispés et tendus entrent en écho avec la première danse et livrent une nouvelle interprétation d’une danse expressionniste animale, rapide et fragmentée.




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