MON PORTRAIT CHINOIS DE MATISSE

Carl Van Vechten, Henri Matisse, 20/05/1933

« Regarder toute la vie avec des yeux d'enfants »
S’il était un poème il serait :
Les couleurs vives et lumineuses jaillissent
Les formes découpées s’aplatissent
Un personnage fait irruption
Joyeux, musique et danse font unisson
Une ligne, une rupture
Avec des yeux d’enfant l’artiste observe la nature

Denis et Michèle Maurin / Immeuble du 1, place Charles-Félix, Nice, où vécut Matisse

S’il était une ville il serait Nice : Matisse s’inspire de la méditerrannée et son arrivée à Nice sonne pour lui comme une libération. “Je décidai de ne pas quitter Nice, et j’y demeurai pratiquement toute mon existence”. (Propos cités par Georges Salle, préface au catalogue de l’exposition “Henri Matisse, Nice, 1950”)

S’il était un continent il serait l’Afrique : Matisse collectionne plusieurs sculptures africaines. La forme, les espaces et le volume de ces œuvres inspirent celles de Matisse notamment dans la simplification des formes.

S’il était un mot il serait « créer » : Pour Matisse créer est le propre de l’artiste. La création est l’essence de l’art. Créer c’est la fonction de l’artiste, il doit agencer diverses activités dans le but d’un résultat qui est l’œuvre. Il doit également créer en regardant tout comme un enfant et oublier toutes les « roses peintes » et faire la sienne. L’artiste doit voir toute chose dans sa vérité. C’est l’amour qui guide l’art vers la vérité, qui soutient l’effort permettant de l’artiste vers elle.
https://nice.city-life.fr/images/fiche/1655/6035.jpg

« Cette œuvre m’a demandé quatre ans d’un travail exclusif et assidu, et elle est le résultat de toute ma vie active. Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef-d’œuvre".
Henri Matisse
S’il était un monument il serait une chapelle : Matisse de 1948 à 1951 a élaboré tous les plans de la chapelle de Vence, vitraux, bénitiers, objets de culte. C’est lui qui a créé le monument dans sa totalité. C’est aussi dans la chapelle de Vence qu’il se fait remarquer avec son tableau Luxe, Calme et Volupté 1904. Ce tableau révèle la simplicité, la fraîcheur et l’éclat des couleurs. Dans son travail il souhaite également que l’art et la décoration ne fassent plus qu’un. Il cherche donc à transfigurer l’architecture en peinture.


le violoniste à la fenêtre, 1918 ,Huile sur toile,150 x 98 cm,© Succession H. Matisse

S’il était un instrument il serait un violon : Matisse joue du violon et apprécie donc beaucoup la musique. Cette dernière influence la peinture du début du XIXème siècle. Matisse peint ainsi plusieurs tableaux sur ce thème. Son tableau Le violoniste à la fenêtre ( 1918 ) pourrait même être un autoportrait de Matisse lui-même jouant du violon.

La Tristesse du roi, 1952,Papiers gouachés et découpés, marouflés sur toile, 292 x 386, Achat, 1954, AM 3279 P, © Succession H. Matisse

S’il était un tableau il serait La Tristesse du roi, 1952 : Au sein de ce tableau tous les thèmes matissiens s’entremêlent. Cette œuvre se réfère tout d’abord à d’autres œuvres telles que David jouant de la harpe devant Saül et aux autoportraits de Rembrandt. Il juxtapose le thème de la vieillesse, de la vie antérieure et de la musique. Mais ce tableau est aussi un autoportrait de l’artiste représenté par la forme noire, assise. Tout autour de lui ses plaisirs l’encerclent : les notes de musiques sont représentées par des pétales jaunes, l’Orient et figuré par l’odalisque verte et une danseuse symbolise le corps de la femme.


« Mes courbes ne sont pas folles. Le fil à plomb en déterminant la direction verticale forme avec son opposée, l'horizontale, la Boussole du dessinateur. Ingres se servait du fil à plomb. Voyez dans ses dessins d'études de figures debout cette ligne non effacée qui passe par le sternum et la malléole interne de la « jambe qui porte ». Autour de cette ligne fictive évolue « l'arabesque ». J'ai tiré de l'usage que j'ai fait du fil à plomb un bénéfice constant. La verticale est dans mon esprit. Elle m'aide à préciser la direction des lignes, et dans mes dessins rapides, je n'indique pas une courbe, par exemple celle d'une branche dans un paysage, sans avoir conscience de son rapport avec la verticale. Mes courbes ne sont pas folles. »
S’il était une forme il serait une ligne : Les lignes sont très importantes dans le travail de l’artiste. Entre courbes et droites il fait fluctuer les corps. Les lignes sont avec les couleurs pour le peintre ce qui permet d’instaurer de l’équilibre dans un tableau. Il est également nécessaire selon Matisse, en tant qu’artiste de trouver une ligne conductrice qui portera la vie et l’expressivité au sein du tableau.

Nu bleu II, 1952, Papiers gouachés découpés et collés sur papier blanc marouflé sur toile, 116,2 x 88,9, Achat 1984, AM 1984-276, © Succession H. Matisse

S’il était une couleur il serait bleu : Matisse utilise dans ses tableaux à plusieurs reprises la couleur bleue. En effet, pour lui, héritier de Cézanne, cette couleur symbolise le volume et la distance. Il fait une série de Nu bleu qui est l’aboutissement d’une réflexion sur l’espace.
Henri Matisse, La Danse, 1909-1910, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage., Huile sur toile, 260 × 391 cm.© Succession H. Matisse. Photo : © The State Hermitage Museum, Saint Petersburg, 2015/ Vladimir Terebenin, 2014


S’il était une matière il serait du papier : Dans un grand nombre de ces œuvres, Matisse utilise des morceaux de papiers découpés pour créer des formes. Ainsi dans son tableau La Danse ( 1909) il découpe des bouts de papier afin de trouver les formes qui figureraient au mieux les dynamismes du corps. Cette méthode de découpage est donc une étape dans la création du peintre, elle lui permet d’explorer les formes avant de les peindre. Avec cette démarche, l’artiste commence à mettre en place un nouveau vocabulaire qui deviendra les gouaches découpées. Ces dernières vont être son procédé de composition pendant les dernières années de sa vie et vont composer ses plus grandes œuvres.

S’il était un animal il serait un fauve : Matisse est un des maîtres du fauvisme. Avec André Derrain, ils libèrent les couleurs, et les utilisent avec imagination dans des harmonies et dissonances. L’artiste doit transgresser les règles de la nature et être « devant la nature comme un enfant ». Matisse ne conçoit plus la nature comme une représentation du réel mais insiste sur la surface plane du tableau.

Henri Matisse, "Icare", 1947. (SUCCESSION H. MATISSE / MUSÉE DÉPARTEMENTAL MATISSE, LE CATEAU-CAMBRÉSIS, PHILIP BERNARD)
S’il était un style musical il serait le Jazz : Matisse publie un ouvrage nommé « Jazz ». Il s’inspire d’abord du cirque et peint de nombreux acrobates, animaux, danseurs, Clown… Ces images peintes sont des éclats de souvenirs du cirque, de voyages et de contes populaires.  Puis il se tourne vers l’imprévisibilité et la vitalité du jazz qui se retrouve dans le caractère vif et syncopé des découpages pleins de couleurs. Dans ces différentes œuvres il joue sur les contrastes de dynamiques, de plan géométrique. A côté de ces tableaux, l’artiste écrit à la main sur ses peintures et sur ses pensées. 


S’il était une danse il serait Le sacre du printemps de Nijinski : Par son tableau La danse on peut trouver de nombreuses correspondances avec cette pièce chorégraphique en rupture avec son époque et reprise par de nombreux chorégraphes. Premièrement l’effet de rupture engendré par les travaux des deux artistes dans leur travail entre en écho. Nijinski joue sur l’en dedans, des sauts, des mouvements angulaires, des orientations de profil, des pieds sans pointes … qui contrastent avec l’académisme classique. Matisse lui est un des pionniers du fauvisme et se dirige tantôt vers l’abstraction avec des formes simplifiées et aplaties. Ces deux œuvres mettent aussi en avant la figure de la ronde, le cercle est en effet extrêmement présent dans le travail de Matisse. Les couleurs primaires du tableau et rouge des corps évoquent également quelque chose d’ancestral. Le Sacre de Nijinski construit en deux tableaux, L’adoration de la terre et Le sacrifice, est inspiré d’un conte d’origine païenne et évoque le sacrifice. Le chorégraphe danseur cherche également à sculpter les corps. Cette pratique de la sculpture se retrouve dans les recherches de figuration des dynamiques corporelles de Matisse ainsi que dans sa pratique de sculpteur. 


Henri Matisse, « Il faut regarder toute la vie avec des yeux d'enfants », propos recueillis par Régine Pernoud, Le Courrier de l'U.N.E.S.C.O., vol. VI, n°10, octobre 1953.
Repris par Dominique Fourcade, Henri Matisse. Écrits et propos sur l'art, Hermann, Paris, deuxième édition, 1992, pp. 321-323.
Stephen Farthing, Tout sur l’art Panorama des mouvements et des chefs d’œuvres, Flammarion, Paris, 2010



Commentaires

Articles les plus consultés