MON PORTRAIT CHINOIS DE MATISSE
Carl Van Vechten, Henri Matisse, 20/05/1933
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« Regarder toute la vie avec des yeux d'enfants »
S’il
était un poème il serait :
Les couleurs vives et lumineuses
jaillissent
Les formes découpées
s’aplatissent
Un personnage fait irruption
Joyeux, musique et danse font
unisson
Une ligne, une rupture
Denis
et Michèle Maurin / Immeuble du 1, place Charles-Félix, Nice, où vécut
Matisse
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S’il
était une ville il serait Nice : Matisse s’inspire de la
méditerrannée et son arrivée à Nice sonne pour lui comme une libération. “Je
décidai de ne pas quitter Nice, et j’y demeurai pratiquement toute mon existence”.
(Propos cités par Georges Salle, préface au catalogue de l’exposition “Henri
Matisse, Nice, 1950”)
S’il
était un continent il serait l’Afrique : Matisse
collectionne plusieurs sculptures africaines. La forme, les espaces et le
volume de ces œuvres inspirent celles de Matisse notamment dans la
simplification des formes.
S’il était un mot il serait « créer » : Pour Matisse créer est le propre de l’artiste. La création est l’essence de l’art. Créer c’est la fonction de l’artiste, il doit agencer diverses activités dans le but d’un résultat qui est l’œuvre. Il doit également créer en regardant tout comme un enfant et oublier toutes les « roses peintes » et faire la sienne. L’artiste doit voir toute chose dans sa vérité. C’est l’amour qui guide l’art vers la vérité, qui soutient l’effort permettant de l’artiste vers elle.
le violoniste à la fenêtre, 1918 ,Huile sur toile,150 x 98
cm,© Succession H. Matisse
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S’il
était un instrument il serait un violon : Matisse
joue du violon et apprécie donc beaucoup la musique. Cette dernière influence
la peinture du début du XIXème siècle. Matisse peint ainsi plusieurs tableaux
sur ce thème. Son tableau Le violoniste à
la fenêtre ( 1918 ) pourrait même être un autoportrait de Matisse lui-même
jouant du violon.
La Tristesse du
roi, 1952,Papiers gouachés et découpés, marouflés sur toile, 292 x 386,
Achat, 1954, AM 3279 P, © Succession H. Matisse
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S’il était un tableau il serait La Tristesse du roi, 1952 : Au sein de ce tableau tous les thèmes matissiens s’entremêlent. Cette œuvre se réfère tout d’abord à d’autres œuvres telles que David jouant de la harpe devant Saül et aux autoportraits de Rembrandt. Il juxtapose le thème de la vieillesse, de la vie antérieure et de la musique. Mais ce tableau est aussi un autoportrait de l’artiste représenté par la forme noire, assise. Tout autour de lui ses plaisirs l’encerclent : les notes de musiques sont représentées par des pétales jaunes, l’Orient et figuré par l’odalisque verte et une danseuse symbolise le corps de la femme.
« Mes courbes ne sont pas folles. Le fil à plomb en déterminant la direction verticale forme avec son opposée, l'horizontale, la Boussole du dessinateur. Ingres se servait du fil à plomb. Voyez dans ses dessins d'études de figures debout cette ligne non effacée qui passe par le sternum et la malléole interne de la « jambe qui porte ». Autour de cette ligne fictive évolue « l'arabesque ». J'ai tiré de l'usage que j'ai fait du fil à plomb un bénéfice constant. La verticale est dans mon esprit. Elle m'aide à préciser la direction des lignes, et dans mes dessins rapides, je n'indique pas une courbe, par exemple celle d'une branche dans un paysage, sans avoir conscience de son rapport avec la verticale. Mes courbes ne sont pas folles. »
Nu bleu II,
1952, Papiers gouachés découpés et collés sur papier blanc marouflé sur
toile, 116,2 x 88,9, Achat 1984, AM 1984-276, © Succession H. Matisse
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S’il était une couleur il serait bleu : Matisse utilise dans ses tableaux à plusieurs reprises la couleur bleue. En effet, pour lui, héritier de Cézanne, cette couleur symbolise le volume et la distance. Il fait une série de Nu bleu qui est l’aboutissement d’une réflexion sur l’espace.
S’il
était une matière il serait du papier : Dans un grand nombre de ces
œuvres, Matisse utilise des morceaux de papiers découpés pour créer des formes.
Ainsi dans son tableau La Danse (
1909) il découpe des bouts de papier afin de trouver les formes qui
figureraient au mieux les dynamismes du corps. Cette méthode de découpage est
donc une étape dans la création du peintre, elle lui permet d’explorer les
formes avant de les peindre. Avec cette démarche, l’artiste commence à mettre
en place un nouveau vocabulaire qui deviendra les gouaches découpées. Ces
dernières vont être son procédé de composition pendant les dernières années de
sa vie et vont composer ses plus grandes œuvres.
S’il
était un animal il serait un fauve : Matisse est un des maîtres du
fauvisme. Avec André Derrain, ils libèrent les couleurs, et les
utilisent avec imagination dans des harmonies et dissonances. L’artiste doit
transgresser les règles de la nature et être « devant la nature comme un
enfant ». Matisse ne conçoit plus la nature comme une représentation du
réel mais insiste sur la surface plane du tableau.
Henri Matisse,
"Icare", 1947. (SUCCESSION H. MATISSE / MUSÉE DÉPARTEMENTAL MATISSE,
LE CATEAU-CAMBRÉSIS, PHILIP BERNARD)
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S’il
était une danse il serait Le sacre
du printemps de Nijinski : Par son tableau La danse on peut trouver de nombreuses
correspondances avec cette pièce chorégraphique en rupture avec son époque et
reprise par de nombreux chorégraphes. Premièrement l’effet de rupture engendré
par les travaux des deux artistes dans leur travail entre en écho. Nijinski
joue sur l’en dedans, des sauts, des mouvements angulaires, des orientations de
profil, des pieds sans pointes … qui contrastent avec l’académisme classique.
Matisse lui est un des pionniers du fauvisme et se dirige tantôt vers
l’abstraction avec des formes simplifiées et aplaties. Ces deux œuvres mettent
aussi en avant la figure de la ronde, le cercle est en effet extrêmement
présent dans le travail de Matisse. Les couleurs primaires du tableau et rouge
des corps évoquent également quelque chose d’ancestral. Le Sacre de Nijinski
construit en deux tableaux, L’adoration de la terre et Le sacrifice, est
inspiré d’un conte d’origine païenne et évoque le sacrifice. Le chorégraphe
danseur cherche également à sculpter les corps. Cette pratique de la sculpture
se retrouve dans les recherches de figuration des dynamiques corporelles de
Matisse ainsi que dans sa pratique de sculpteur.
Henri Matisse, « Il faut regarder toute la vie avec
des yeux d'enfants », propos recueillis par Régine Pernoud, Le
Courrier de l'U.N.E.S.C.O., vol. VI, n°10, octobre 1953.
Repris par Dominique Fourcade, Henri Matisse. Écrits et propos sur l'art, Hermann, Paris, deuxième édition, 1992, pp. 321-323.
Repris par Dominique Fourcade, Henri Matisse. Écrits et propos sur l'art, Hermann, Paris, deuxième édition, 1992, pp. 321-323.
Stephen Farthing, Tout
sur l’art Panorama des mouvements et des chefs d’œuvres, Flammarion, Paris,
2010
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