MON PORTRAIT CHINOIS D'ANISH KAPOOR


 « Je ne veux pas réaliser une sculpture qui ne soit qu’une forme, cela ne m’intéresse pas vraiment. Ce que je veux faire, c’est une sculpture qui traite de la croyance, de la passion ou de l’expérience »


Anish Kapoor par Peter Lindbergh Peter Lindbergh

S’il était un poème il serait :
Les matières se mélangent dans des surfaces lisses et rugueuses
Une porte vers l’intériorité du corps rouge s’ouvre
Le reflet de la femme tourne avec entrain vers son centre

Anish Kapoor, To Reflect an Intimate Part of the Red, 1981, Mixed media and pigment, 200 x 800 x 800 cm / 78 3/4 x 315 x 315 in.


S’il était une ville il serait Bombay : Anish Kapoor, artiste indien et anglais, utilise au début de ses créations des pigments de couleurs qui recouvrent formes ou bien qui se déposent sur le sol dans de multiples architectures. Ces pigments colorés sont un élément important de la culture indienne que ce soit par la couleur des épices ou bien lors de fêtes où les couleurs emportées par le vent voyagent et se déposent sur les corps des indiens qui dansent, marchent, courent.

S’il était un mot il serait « PEAU» : « La peau est un aspect présent dans toutes mes œuvres (…). La peau est l’espace qui sépare une chose de son environnement, c’est aussi une surface sur laquelle, ou à travers laquelle, on lit un objet, c’est le lieu où le monde bidimensionnel rencontre l’espace tridimensionnel » Anish Kapoor. La peau du corps, les membranes à la fois fragiles et épaisses qui enveloppent nos organes sont extrêmement présentes dans les travaux de l’artiste qui se rapporte souvent à l’intériorité du corps et à des paysages corporels qui interrogent le public.

Anish Kapoor, Cloud Gate, 2004, Stainless steel 10 x 13 x 20 m / 33 x 42 x 66 ft

S’il était un aliment il serait un haricot rouge : Son œuvre Cloud Gate installée à Chicago est devenue un icône de cette ville. En effet entre surprise, peur et questionnement, on tourne autour et sous cette sculpture à la forme d’un haricot géant. Couverte d’un acier oxydé qui reflète le paysage, l’œuvre semble infinie.

Anish Kapoor, My Red Homeland, 2003 ; peinture à la cire et à l’huile, bras en acier et moteur ; diamètre : 12 mètre ; vue de l’installation au Kunsthaus Bregenz, 2003 ; photographie Nic TenwiggenhornacierLa vie s’éveille entre grumeaux et pigments colorés
 S’il était une couleur il serait rouge : Une des œuvres principales de Anish Kapoor est My Red Homeland. Cette sculpture est constituée d’un conglomérat de cire rouge sang et de peinture à base d’huile. Un bras mécanique actionné par un moteur lisse la partie centrale qui est encerclée d’une matière à la surface irrégulière et grumeleuse. Cette œuvre à l’allure monstrueuse et dérangeante évoque le sang, la passion, l’intériorité de notre corps. L’artiste confronte le spectateur à un objet étonnant et déplaisant, et le fait voyageur au cœur de son intimité.


Anish Kapoor, Sky Mirror, Red, 2007, Stainless steel 274 x 290 x 146 cm / 108 x 114 1/4 x 57 1/2 in.

S’il était un objet du quotidien il serait un miroir : Que ce soit avec Cloud Gate ou bien avec ses Sky Mirror, le chorégraphe joue avec les lumières et les reflets. Le regard est aussi très important dans la confrontation que l’artiste propose au public à chacune de ses œuvres. Ces miroirs pleins de poésie transforment nos des éléments de la nature, de l’extérieur et leur donne des significations différentes. « Les seules œuvres qui impliquent l’extérieur de manière vraiment réussie, sont celles qui impliquent cet élément fondamental de l’extérieur : la relation entre le ciel et la terre »

Anish Kapoor, Léviathan, 2011 
La destruction du Léviathan, gravure de Gustave Doré ,1865

S’il était une figure mythologique il serait le Léviathan : Le léviathan est un monstre marin biblique à plusieurs têtes. L’œuvre est telle un antre dans laquelle le spectateur pénètre entre fascination et apeurement. Les parois opaques et translucides laissent passer des rayons du soleil.  Anish Kapoor offre ici une œuvre architecturale et métaphysique aux interprétations et appréhensions multiples. Elle peut être perçue comme l’intérieur d’un corps placentaire qui protège du monde extérieur ou bien comme un l’intérieur d’un monstre plein de sang rouge dans lequel les espaces creux et pleins seraient comme les gorges du monstre, ou encore comme l’intérieur d’un sexe, une corolle de fleur, une église de peau… Un mélange d’images surréalistes et hypnotiques se croisent au sein de cette membrane. 


S’il était une partie du corps il serait un vagin : Une des sculptures très fortes de l’artiste et qui a suscité beaucoup de polémiques est Dirty Corner ou le Vagin de la reine, selon la presse, exposé dans les jardins du château de Versailles. Cette œuvre est une porte d’entrée à l’intérieur d’une trompe à la connotation sexuelle. Par cette œuvre l’artiste cherche à contrer l’art apollinien et y ajouter une touche sombre par l’angoisse du tunnel et les matériaux bruts qui l’entourent. Elle a également créé de nombreuses polémiques et a été vandalisée à de nombreuses reprises par des tags constitués de propos antisémites, racistes… Cette vandalisation interroge le regard de certaines personnes sur la culture et questionne la sécurité mise en place dans les musées. « Je suis convaincu qu’il ne faut rien retirer de ces insultes, de ces mots propres à l’antisémitisme que l’on voudrait aussitôt oublier. (…) Désormais, ces mots infâmants font partie de mon œuvre, la dépassent, la stigmatisent au nom de nos principes universels. (…) Je défie désormais les musées du monde de la montrer telle quelle, porteuse de la haine qu’elle a attirée. C’est le défi de l’art. » Anish Kapoor

S’il était une figure de style il serait un oxymore : L’artiste travaille beaucoup autour de l’opposition. Elément très présent dans notre société cartésienne notamment à propos du sexe où nous demandons constamment si c’est un homme ou bien une femme, mais aussi par rapport au jour et à la nuit, au bien et au mal, à la vie et à la mort… Anish Kapoor souhaite donc utiliser ces oppositions et les faire fusionner afin de créer de la confusion entre les oppositions. Une des oppositions les plus importantes qu’il fait fusionner est celle du volume vide et du volume plein. En effet pour l’artiste le vide est plein d’une quantité physique.


S’il était une danse il serait Projet de la matière d’Odile Duboc : Cette pièce de la chorégraphe des années 80 travaille avec la matière en tant qu’objet et avec les états de corps, les humeurs et les couleurs du corps. Dans le procédé de composition de cette pièce, les danseurs sont en contact avec des objets aux densités, surfaces, géométries, volumes divers. Ils cherchent des sensations les absorbent, les intègrent dans leur corps avant de quitter tous ces objets et de danser ces souvenirs de sensations. Cette pièce rentre en écho avec le travail de Anish Kapoor qui travaille lui aussi sur le corps et sur son intériorité. Il fait également un gros travail sur les matières qu’il utilise, leur surface, leur densité, il joue avec tout cela pour créer ses sculptures et leur donner toute une puissance. «La matière n’est jamais simplement de la matière. Elle est autre chose. » Anish Kapoor


Ou il serait Kaash d’Akram Khan : Dans cette pièce chorégraphique les deux artistes collaborent. Le chorégraphe mélange danse kathak indienne et danse contemporaine. Les corps énergiques dans l’urgence avec des gestes extrêmement précis dans l’espace et les dynamiques. Sous de fortes percussions les danseurs dressent un pont entre Inde et Occident. Le cycle de la vie, l’hindouisme, les dieux indiens, la création et la destruction sont explorés sur scène. Anish Kapoor quant à lui crée la scénographie de la pièce. En fond de scène tel un tableau, sur une surface plane un cadre entoure un carré noir et change de couleur selon les tableaux.

Ornella Lamberti, Leviathan, parisart, 25 mai 2011
Henri François Debailleux, Anish Kapoor, Dans l’art du temps, libération, 12 mai 2011
  

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