MON PORTRAIT CHINOIS D'ANISH KAPOOR
« Je ne veux pas réaliser une sculpture qui ne soit qu’une forme, cela ne m’intéresse pas vraiment. Ce que je veux faire, c’est une sculpture qui traite de la croyance, de la passion ou de l’expérience »
Anish Kapoor par Peter Lindbergh Peter Lindbergh |
S’il
était un poème il serait :
Les
matières se mélangent dans des surfaces lisses et rugueuses
Une
porte vers l’intériorité du corps rouge s’ouvre
Le
reflet de la femme tourne avec entrain vers son centre
Anish Kapoor, Sky Mirror, Red, 2007, Stainless steel 274 x 290 x 146 cm / 108 x 114 1/4 x 57 1/2 in. |
S’il
était un objet du quotidien il serait un miroir : Que
ce soit avec Cloud Gate ou bien avec
ses Sky Mirror, le chorégraphe joue
avec les lumières et les reflets. Le regard est aussi très important dans la confrontation
que l’artiste propose au public à chacune de ses œuvres. Ces miroirs pleins de
poésie transforment nos des éléments de la nature, de l’extérieur et leur donne
des significations différentes. « Les seules œuvres qui impliquent
l’extérieur de manière vraiment réussie, sont celles qui impliquent cet élément
fondamental de l’extérieur : la relation entre le ciel et la terre »
Anish Kapoor, Léviathan, 2011
|
La destruction du Léviathan, gravure de Gustave Doré ,1865 |
S’il
était une figure mythologique il serait le Léviathan : Le
léviathan est un monstre marin biblique à plusieurs têtes. L’œuvre est telle un
antre dans laquelle le spectateur pénètre entre fascination et apeurement. Les
parois opaques et translucides laissent passer des rayons du soleil. Anish Kapoor offre ici une œuvre
architecturale et métaphysique aux interprétations et appréhensions multiples.
Elle peut être perçue comme l’intérieur d’un corps placentaire qui protège du
monde extérieur ou bien comme un l’intérieur d’un monstre plein de sang rouge
dans lequel les espaces creux et pleins seraient comme les gorges du monstre,
ou encore comme l’intérieur d’un sexe, une corolle de fleur, une église de
peau… Un mélange d’images surréalistes et hypnotiques se croisent au sein de
cette membrane.
S’il était une partie
du corps il serait un vagin : Une des sculptures très fortes de
l’artiste et qui a suscité beaucoup de polémiques est Dirty Corner ou le Vagin de
la reine, selon la presse, exposé dans les jardins du château de
Versailles. Cette œuvre est une porte d’entrée à l’intérieur d’une trompe à la
connotation sexuelle. Par cette œuvre l’artiste cherche à contrer l’art
apollinien et y ajouter une touche sombre par l’angoisse du tunnel et les
matériaux bruts qui l’entourent. Elle a également créé de nombreuses polémiques
et a été vandalisée à de nombreuses reprises par des tags constitués de propos
antisémites, racistes… Cette vandalisation interroge le regard de certaines
personnes sur la culture et questionne la sécurité mise en place dans les
musées. « Je suis convaincu qu’il ne
faut rien retirer de ces insultes, de ces mots propres à l’antisémitisme que
l’on voudrait aussitôt oublier. (…) Désormais, ces mots infâmants font partie
de mon œuvre, la dépassent, la stigmatisent au nom de nos principes universels.
(…) Je défie désormais les musées du monde de la montrer telle quelle, porteuse
de la haine qu’elle a attirée. C’est le défi de l’art. » Anish Kapoor
S’il était une figure
de style il serait un oxymore : L’artiste travaille beaucoup autour de
l’opposition. Elément très présent dans notre société cartésienne notamment à
propos du sexe où nous demandons constamment si c’est un homme ou bien une
femme, mais aussi par rapport au jour et à la nuit, au bien et au mal, à la vie
et à la mort… Anish Kapoor souhaite donc utiliser ces oppositions et les faire
fusionner afin de créer de la confusion entre les oppositions. Une des
oppositions les plus importantes qu’il fait fusionner est celle du volume vide
et du volume plein. En effet pour l’artiste le vide est plein d’une quantité
physique.
S’il
était une danse il serait Projet de
la matière d’Odile Duboc : Cette pièce de la chorégraphe
des années 80 travaille avec la matière en tant qu’objet et avec les états
de corps, les humeurs et les couleurs du corps. Dans le procédé de composition
de cette pièce, les danseurs sont en contact avec des objets aux densités,
surfaces, géométries, volumes divers. Ils cherchent des sensations les
absorbent, les intègrent dans leur corps avant de quitter tous ces objets et de
danser ces souvenirs de sensations. Cette pièce rentre en écho avec
le travail de Anish Kapoor qui travaille lui aussi sur le corps et sur son
intériorité. Il fait également un gros travail sur les matières qu’il utilise,
leur surface, leur densité, il joue avec tout cela pour créer ses sculptures et
leur donner toute une puissance. «La matière n’est jamais simplement de la matière.
Elle est autre chose. » Anish Kapoor
Ou il serait Kaash
d’Akram Khan : Dans cette pièce chorégraphique les deux artistes
collaborent. Le chorégraphe mélange danse kathak indienne et danse
contemporaine. Les corps énergiques dans l’urgence avec des gestes extrêmement
précis dans l’espace et les dynamiques. Sous de fortes percussions les danseurs
dressent un pont entre Inde et Occident. Le cycle de la vie, l’hindouisme, les
dieux indiens, la création et la destruction sont explorés sur scène. Anish
Kapoor quant à lui crée la scénographie de la pièce. En fond de scène tel un
tableau, sur une surface plane un cadre entoure un carré noir et change de
couleur selon les tableaux.
Ornella Lamberti, Leviathan, parisart, 25 mai 2011
Henri François Debailleux, Anish Kapoor, Dans l’art du temps, libération, 12 mai 2011
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