AU CŒUR DE LA BELGIQUE LES SENS DES SPECTATEURS S’ÉVEILLENT

performers : Cédric Charon et Igdem Polat, photographie : Wonge Bergmann

“Welcome in the land where the French fries are not French but Belgian because they simply are Belgian!”JOHAN DE BOOSE 

Théâtre Sensoriel, Belgium Rules met en exergue les sens des spectateurs dans son théâtre de corps. Les corps, les mots, les odeurs, les sons illustrent des histoires symboliques de la Belgique. Les symboles se mélangent, se croisent et se cachent dans les tableaux qui se succèdent. Le public éblouie est plongé dans un nouvel espace-temps.

L’odeur de la bière s’installe dans la salle. Elle imprègne les interprètes. La bière hydrate leur corps épuisé. Elle coule sur leur peau, les rafraîchit. La bière, boisson belge, est fêtée. Les cannettes tournent dans les mains des comédiens, le liquide vole dans l’air et frôle les premiers spectateurs. Les bouteilles accrochées côte à côte forment une jupe et clinquent sous les déhanchés. Soufflées dans un god des bulles de bière sont créés. Dans tous ses états la bière s’instaure comme fierté Belges. A cette odeur, celle de la cigarette, de la machine à fumée, du pipi et de la transpiration s’ajoutent. La physicalité des corps est mise à l’épreuve dans cette pièce qui ose. Les muscles se contractent et brûlent lors de répétitions de mouvements de fitness qui mélangent parole et sport. Dans une vitesse crescendo les corps oscillent entre tensions et relâchements dans des temps de masturbation. Les bras tendus font danser les drapeaux avec fluidité dans un phasage déphasage. Puis les danses traditionnelles font sauter les interprètes et leurs jambes se lèvent. Ils semblent inépuisables. Un temps de repos, les tablettes de chocolats craquent sous leurs dents, le spectateur écœuré les observe sans savoir quand ils vont s’arrêter. Mais c’est reparti, courses et répétitions de règles absurdes, le squelette sur leur dos. Les paroles changent d’intensité et fluctuent de tonalité dans la fatigue corporelle. Les langages varient entre Allemands, Français, Anglais et Belges. Les transcriptions au-dessus de l’avant-scène attirent les yeux du spectateur lui demandant ainsi de se concentrer autant sur le jeu corporel de l’interprète qui raconte avant un changement de tableau que sur les mots qui font référence à l’histoire avec humour. Les yeux sont nourris d’une multiplicité d’informations dans ce théâtre d’image. La scénographie époustouflante au décor massif (tribunal ) et coloré ( frites, briques, charbons, confettis…) se modifie selon les tableaux. Les costumes typiques des carnavals scintillent de couleurs vives, les déguisements bleues de pigeons mettent en valeur cet animal victime de colomphilie, le hérisson est l’emblème du belges, les sous-vêtements noirs et les tenues provocantes exposent les corps sexy dont le bassin roule et dont les appuis et la colonne vertébrale sont imprégnés d’une animalité, les voiles blancs transparents poétisent les mouvements continues et en flux libre des corps nus, la jupe noire relevée les jambes avec souplesse et rebond se meuvent dans la fumée de l’encens qui embaume leur sexe et la peinture sur les corps nus appuie ce théâtre d’images. Jan Fabre crée un théâtre aux tableaux vivants à partir de référence à Bosch, Rubens, Bruegel, Delvaux... Les corps dansent, l’énergie circulaire imprègne les corps, les tords, les dissocies et les unis à la puissance des mots. Ces derniers en direct ou dans les musiques évoquent l’histoire complexe de la Belgique, pays récent. Stromae et Marc Dutroux se succèdent. Fier de son pays Jan Fabre n’en dresse pourtant pas qu’un portrait idyllique, la réalité et sa cruauté sont elles aussi présentes ( Léopold II, Armes, Noirs ). Cette ode met la Belgique dans tous les sens et dans tous les corps. Le dialogue interprète public est créé. 

Performer: Annabelle Chambon, Ursel Tilk photographie: Wonge Bergmann  
Spectacle vu le 22/02/2018 à la Rose des vents à Villeneuve d'Ascq

Site de la pièce : https://www.belgianrules.be/home

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